Légendes effectives pour photos fictives : troisième série

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1.

Couleur. Exterieur jour. Portrait en pied d’un homme sur la vaste esplanade de l’hôtel de police d’une grande métropole, dessiné par un architecte contemporain, grès blanc, baies vitrées, élévation vertigineuse. Sur la droite, un plan d’eau paysagé. L’homme, en costume trois pièces, cigarette à main droite, soleil dans les yeux.

Quand dans les heures du jour il faut bien justifier ton grade, rien de mieux qu’une indifférence bien trempée pour flouer la piétaille.

Tes petites frappes, loin du QG signé, feront le sale boulot comme personne, ce qui te laissera le temps d’admirer le paysage du haut de ton étage labellisé LEED Platinum.

Enfin les soyeux intérieurs des élus défoncés au pouvoir se dérouleront comme des tapis de festivals, pour un lauréat, exclusivement.

En attendant, tu prends le soleil.

2.

Noir/Blanc. Intérieur jour. Plan américain, contre-jour. Devant la baie vitrée d’un vaste bureau meublé dans le style International, un homme en costume trois pièces, plaque à la ceinture, une grande paire de ciseaux à papier à la main, découpe l’étiquette qui dépasse du pull bon marché d’une scientifique à queue de cheval.

A travers les non-dits qui circulent entre vos lèvres de verre, de nouvelles exigences se font jour.

Il n’y a pas de contre-indication à tirer un peu sur la chaîne, à condition que les maillons restent invisibles.

Qui a dit qu’un moment d’intimité pourrait nuire à la bonne marche des affaires?

3.

Couleur. Extérieur nuit. Plan large. Éclairage public, lampes à sodium. Un homme en manteau trois-quarts se tient debout au bord d’un plan d’eau paysagé sur l’esplanade d’un bâtiment officiel signé, flambant neuf.

Quelques instants de solitude avant le lent oeuvre de sélection puis de confiscation systématique des dignités les plus lucratives.

Le devoir appelle le devoir. N’est-ce pas ?

4.

Intérieur nuit. Plan moyen. Un restaurant asiatique de quartier, tout en longueur. Lumière halogène blanche. Chat porte-bonheur doré et aquarium en arrière-plan. Au comptoir, deux jeunes femmes asiatiques, cheveux jusqu’aux reins et robe de soie brodée, interpellent un grand barman chinois qui leur sert de l’alcool de riz dans de minuscules gobelets de céramique blanche. Au deuxième plan, l’ombre de la manche d’un veston sur mesure.

Quelques petites compromissions valent bien que tu te salisses un peu les mains entre les cuisses dorées de tes débiteuses piégées et allophones.

Deals contre deals : le cosmos n’est qu’une vaste transaction à l’intérieur duquel tu fixes les taux de change.

Quelle est la contrepartie, déjà ?

 

image : Basilicofresco

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